16. 03. 99
Breitling Orbiter 3 à 180 km/h sur le Mexique

Le carnet de bord

18:00 GMT: Le Breitling Orbiter 3 a parfaitement réussi sa manœuvre dans le jet stream. Fonçant à une vitesse d’environ 180 km/h, à quelque 1000 km de Guadalajara, il atteindra le Mexique ce soir. Cinq heures plus tard, au-dessus du Golfe du Mexique, il quittera le jet stream pour rejoindre les Bahamas, puis survolera l’Atlantique, en direction des côtes africaines. La " ligne d’arrivée " devrait être franchie samedi après-midi. Après avoir volé à quelque 100 kilomètres au nord de Mexico City, le Breitling Orbiter 3 quittera le jet-stream sur le Golfe du Mexique, et se dirigera à une vitesse d’environ 120 km/h en direction des Bahamas. Il ne pourra toutefois pas entrer dans un nouveau jet stream, comme prévu, car sa trajectoire dévierait alors au nord du 27e parallèle, zone de survol interdite à tout aéronef non dirigeable. Le ballon devrait par conséquent descendre à 9000 m pour survoler l’Atlantique, puis emprunter le jet stream africain, à quelques centaines de kilomètres des côtes du Sahara Occidental et du Maroc, où les vents soufflent à plus 250 à km/h. Les météorologues Luc Trullemans et Pierre Eckert choisiront en principe le lieu d’atterrissage idéal demain. C’est avec soulagement que toute l’équipe au sol a pu rétablir le contact vocal avec les pilotes, après quatre jours de silence, lundi soir. Bertrand Piccard n’a pas caché qu’il a éprouvé une certaine inquiétude et angoisse lors de ce black-out. " Quand nous étions au-dessus de l’Afrique, je m’étais mis à aimer le désert. Mais j’ai réalisé que le pire désert, ce n’est pas le sable, mais l’eau. Il n’y a rien de pire qu’anticiper les problèmes alors que tout fonctionne parfaitement. J’ai réalisé à quel point il était important de vivre le moment présent. " Après 15 jours de vol, le pilote suisse se déclare étonné de la vie à bord. " Quand nous passions une journée à l’intérieur de la capsule à Château d’Oex, nous trouvions le temps terriblement long et ennuyeux. A présent, nous avons pris notre rythme et nous pourrions sans aucun problème tenir encore une semaine. " Piccard ajoute : " Ce matin, quand je me suis levé et que Brian était prêt à aller dormir, il m’a fait une tasse de thé, pendant que je lui préparais son lit. Et tout ça spontanément. Nous avons réalisé à quel point notre relation était vraiment dotée d’une profonde amitié et d’un profond respect. Je suis vraiment ravi de faire ce vol avec lui. " 05:00 GMT: Voici en résumé, l'interview que B. Piccard a donné hier en fin de journée. CdP : Après 4 jours sans communications, (avec le Centre de Presse), quel est l'état d'esprit à bord du Breitling Orbiter 3 ? Bertrand Piccard a répondu :"Quand le ballon se trouvait au-dessus de l'Afrique, je me suis mis à aimer le désert! Mais j'ai réalisé que le pire désert, ce n'est pas le sable mais l'eau. En effet, je dois dire que la traversée du Pacifique a été angoissante jusqu'à maintenant; nous n'avions aucun contact régulier avec le Centre de Contrôle de Genève. Les seules communications ont eu lieu par radio, par l'intermédiaire du Centre de Contrôle aérien de San Francisco qui a relayé nos messages par téléphone aux météorologues du Centre de Contrôle de Genève; ces derniers ont ainsi pu nous confirmer que la direction que nous avions était la bonne!" CdP : En ces moments d'isolement, qu'est-ce qui est le pire ? B.P "Je crois que le pire, c'est l'anticipation de ce qui va se passer! En se projetant dans l'avenir, l'on commence à gamberger et cela peut devenir inquiétant. Tant que l'on arrive à vivre vraiment dans le présent alors on se sent bien!" CdP.Alors maintenant qu'est ce qui peut encore menacer la réussite de votre aventure? B.P."La malchance comme toujours; maintenant l'on se dit : pourvu que les vitesses soient suffisamment importantes pour que nous puissions atteindre l'Europe avant d'avoir épuisé nos réserves de carburant! Mais je dois dire en résumé que tout se passe extrêmement bien, l'on a assez de nourriture, d'eau, d'habits de rechange et le moral est au beau fixe". Le ballon se trouve actuellement au sud-est d'Hawaï, à mi-chemin entre Hawaï et Mexico City. Les jet streams les portent à plus de 150 km/h et la vitesse devrait augmenter encore.